Témoignage d’Anciens : la Suisse, un pays attractif ?

Dossier spécial sur la Suisse

Ce mois-ci, nous vous proposons de partir à la découverte d’un voisin plutôt calme de la France, mais avec qui nous partageons une longue histoire et surtout avec qui nous entretenons des relations commerciales ancestrales. Si nous vous disons que ce pays se caractérise par ses montagnes, ses plats de fondue, ses banques et qu’en plus il est neutre… vous l’aurez compris, il s’agit bien de la Suisse.

Vous trouverez donc dans cette édition tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la Confédération Helvétique : ses forces et faiblesses, l’ambiance, les motivations au départ et bien plus encore…

Pour nous éclairer, les témoignages recueillis sont ceux de deux Anciens, Jean-Michel D’Ortoli (Promo 1996) et Philippe Cuvecle (Promo 2000). Ils vont nous dépeindre leur approche de ce pays alpin.

Mais tout d’abord, voici leur fiche d’identité :

| Identité | Jean-Michel D’Ortoli |
| Promotion de sortie EISTI | 1996 |
| Autres formations | Master of Science in Computer Science du Florida Institute of Technology (FIT) – USA |
| Société, lieu | Orange Communications SA/AG à Lausanne – Suisse |
| Poste occupé | Knowledge Information Center (KIC) Manager |
| Domaine | Data Warehouse, Marketing Reporting |

et:

| Identité | Philippe Cuvecle |
| Promotion de sortie EISTI | 2000 |
| Autres formations | — |
| Société, lieu | SQLI à Renens – Suisse |
| Poste occupé | Chef de projet et ingénierie |
| Domaine | Intégration de Nouvelles Technologies |

Place aux témoignages :

2πr – Un peu plus de 4 mois après l’avènement de l’Euro en France notamment, la première question que l’on se pose est comment réagissent aujourd’hui la population et le marché suisse face à la concurrence de cette monnaie européenne ?

Jean-Michel D’Ortoli (J-M.D’O) : Il n’y a pas vraiment de concurrence entre le Franc Suisse et l’Euro. Aujourd’hui, dans la majorité des grands magasins, il est possible de payer en Euro directement…

Philippe Cuvecle (P.C) : Il faut déjà savoir que la population suisse est en règle générale assez « nationaliste » et aime beaucoup son pays ainsi que les valeurs qu’il incarne. Aussi, la construction progressive de l’Europe autour d’elle est quelque chose dont elle essaie de rester à l’écart… en tout cas pour le moment (un referendum , on dit votation ici, à propos de l’adhésion du pays à l’Europe de Maastricht, a été rejeté dernièrement).

Pour en revenir à l’euro, deux phénomènes méritent d’être mentionnés.

Le premier est que la Suisse ne peut ignorer la présence de la seconde monnaie mondiale puisque les principaux acteurs des échanges commerciaux avec le pays sont les membres de l’Union et en particulier ceux qui l’encerclent intégralement (France, Allemagne, Autriche et Italie) et sont tous passés à l’euro. Ainsi une bonne partie des facturations doit être établie dans la monnaie unique et les Suisses sont donc bien obligés de s’y plier. Les billets en euro sont également acceptés presque partout et on peut ouvrir des comptes en euro dans les banques.

Le deuxième phénomène est que la monnaie helvétique a toujours été une monnaie refuge du fait de la stabilité du pays. Ce phénomène s’est amplifié depuis l’avènement de l’euro sur les marchés financiers (en mai 2000, un franc suisse valait 0.625 €. Aujourd’hui il en vaut 0.686, soit un bon de 4.1 FF pour 1 CHF à 4.5 FF ). Finalement l’Euro a consolidé la force du franc suisse…

2πr – La Suisse de part son statut demeure un pays original : neutralité ou carrière professionnelle, qu’est-ce qui vous y a conduit ?

(J-M.D’O) : Hum… c’est l’AMOUR !!!!
Ma chère et adorable épouse est native de ce beau pays qu’est la Suisse.

(P.C) : Les raisons sont multiples:
– mon amie étant suissesse, la Confédération apparaissait toute désignée pour une expatriation
– l’attrait du niveau de vie, le plus élevé d’Europe
– l’envie de quitter la France
– Le cadre de vie particulièrement bon : lac Léman et massifs alpins
– le caractère hautement démocratique du pays

Les perspectives de carrières n’ont pas été un choix déterminant en premier lieu même si le choix d’une SSII n’est pas innocent.

2πr – Quelle est votre fonction ?

(J-M.D’O) : J’occupe la position de KIC Manager (ndlr : KIC – Knowledge Information Center) dans le groupe Marketing Strategy et Planning.

J’encadre une équipe d’analystes de l’Information qui aident les personnes du marketing à élaborer leurs rapports opérationnels ainsi que les rapports décisionnels.

De plus nous centralisons les projets ainsi que les demandes de rapports pour les communiquer au département IT lorsque des développements sont nécessaires.

(P.C) : Je débute actuellement dans la fonction de chef de projet, même si je conserve un rôle dans l’ingénierie pure (par goût et par nécessité) avec une forte composante dans la sphère JAVA.

Notre cœur de métier est fortement orienté vers la mise en place de systèmes d’information construits à l’aide des technologies Internet.

2πr – Comment est perçu l’ingénieur francais et plus particulièrement l’ingénieur EISTI au sein de la Confédération Helvétique ?

(J-M.D’O) : En Suisse, l’ingénieur Français a une très bonne réputation : surtout au niveau de la capacité à s’adapter et de trouver des solutions. Seules les Grandes Ecoles sont connues.

En ce qui concerne l’ingénieur EISTI, il est très bien perçu si j’en crois mon expérience personnelle… 😉

(P.C) : La Suisse est un pays qui possède assez peu d’Ecoles telle que l’EISTI. De ce fait c’est un pays qui a fortement recours aux compétences étrangères… qu’il n’a pas de mal à glaner étant donné le niveau de vie dont il dispose. Ainsi, le gros des troupes en Suisse romande (la partie francophone) est composé de français, preuve que notre Nation est capable de produire des profils recherchés et appréciés ici.

En ce qui concerne l’ingénieur EISTI en particulier, je pense que nous disposons d’une formation efficace et d’un bon état d’esprit puisqu’une bonne partie des Eistiens officiant ici occupent des postes à responsabilités ou sont en passe de les occuper !

2πr – Avec l’actualité qui secoue la France, beaucoup revienne sur le modèle suisse de préférence nationale. Une fois en Suisse, quelles sont les chances de carrière ?

(J-M.D’O) : Les chances sont les mêmes que partout ailleurs.

(P.C) : S’il est vrai que l’Europe connaît une montée du nationalisme, la Suisse a toujours été tournée dans cette direction, même si cela se manifeste d’une manière heureusement modérée et neutre (il faut rappeler que 20 % de la population est étrangère).

Faisant partie d’une filiale d’un groupe français, je dois dire que ce n’est pas quelque chose que je ressens, le staff dirigent étant 100% français. Cela dit il est vrai qu’il nous arrivé de perdre certains contrats à cause de cela mais ça reste exceptionnel. De plus la Suisse romande héberge un grand nombre de multinationales comportant une grande diversité de nationalités et pour lesquelles la préférence nationale ne se ressens pas non plus.

Pour conclure sur ce point, je dirais que pour un ingénieur français, c’est une difficulté à mon sens négligeable.

2πr – « La Suisse… le pays des banques ». Avec les investissements extérieurs qui lui parviennent, la Suisse a-t-elle pu se préserver du ralentissement économique général ?

(J-M.D’O) : La Suisse a connu elle aussi un ralentissement économique général, qui est en train de disparaître peu à peu. Des histoires comme la faillite de la compagnie aérienne Swissair, les scandales des Banques cantonales de Vaud et Genève, ainsi que les évènements du 11 Septembre aux Etats-unis y ont contribué grandement.

En régle générale, la Suisse est également touchée par ce qui se passe en Europe, mais ayant un pouvoir d’achat plus important, il est vrai que cela reste moins visible.

(P.C) : La Confédération possède un taux de chômage moyen de 1.9% (chiffre 2001), et c’est un pays qui comporte une économie forte, de part sa monnaie et effectivement ses banques (entre autre), moteur incontournable. Cependant le pays connaît lui aussi un certain ralentissement, et beaucoup d’investissements ont été gelés. Cela est particulièrement visible depuis le début de cette année, en tout cas dans notre secteur.

2πr – Quels sont les atouts pour un Eistien dans le pays alpin ?

(J-M.D’O) : La capacité d’adaptation ainsi que la capacité de raisonnement font qu’un EISTIEN sera toujours très bien perçu en Suisse. Par rapport à un ingénieur généraliste, l’EISTIEN a l’avantage d’être opérationnel plus rapidement, ce que le rapproche en cela d’un ingénieur Suisse.

(P.C) : Je pense que ce sont les mêmes qu’ailleurs, et plus particulièrement qu’en France car la partie francophone du pays est, culturellement, énormément influencée par notre Nation.

Mais je dirais que la nécessité de parler plusieurs langues est assez importante de part la présence de la partie germanophone (65 % de la population) et des nombreuses multinationales. L’anglais est souvent la langue de travail et la méconnaissance de l’allemand en Suisse Romande n’est pas dramatique même s’il constitue un plus.

2πr – Quels conseils pourriez-vous donner à ceux qui souhaiteraient tenter leur chance au pays de la fondue ?

(J-M.D’O) : Prendre contact avec les Eistiens sur place ainsi qu’avec l’ambassade ou le consulat le plus proche pour les formalités administratives.

Je recommande le trés bon site web de l’ambassade de France : http://www.ambafrance-ch.org/.

(P.C) : Je leur dirais d’essayer, car la Suisse possède bien des aspects positifs même si on peut, évidement, y trouver des défauts.

Plus concrètement, le travail en Suisse est conditionné par l’obtention d’un permis de travail renouvelable tous les ans et attaché à l’entreprise en ayant fait la demande durant la première année puis transférable par la suite. Une demande prend normalement 2 à 3 mois et est soumis à un quota réinitialisé en automne. Le contexte actuel rend son obtention assez difficile pour le moment, la politique intérieure consistant à diminuer les quotas si le chômage augmente. Cela dit ça n’est pas impossible et cela dépend beaucoup du poids économique et social de l’entreprise demandeuse ainsi que du profil du postulant.

2πr -Merci pour toutes ces précisions !

Souhaitons donc bonne chance à celles et ceux qui seraient tentés de bénéficier d’une expérience au sein de la Confédération Helvétique…

N’hésitez pas à faire part de vos remarques ou bien de vos témoignages en nous écrivant à l’adresse suivante : [email protected]

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