Témoignage d’Anciens : Travailler en Allemagne ?

Spécial Allemagne

L’Allemagne demeure le premier pays d’échange de la France et la première puissance industrielle européenne. Pourtant, ce pays reste méconnu.

Or comme nous avons la chance d’avoir un réseau d’Anciens implanté dans le monde entier, votre magazine est parti à la recherche de ceux d’entre vous installés Outre-Rhin pour qu’ils nous racontent ce qui les a poussé vers ce pays et quelles sont ses particularités.

Données concernant les interviewés :

| Identité | Diane Tea |
| Promotion de sortie EISTI | 1997 |
| Autres formations | — |
| Société, lieu | Agilent Technologies à Böblingen – Allemagne |
| Poste occupé | Global Program Manager WAN |
| Domaine | Industrie |

et

| Identité | Jean-Yves Boraud |
| Promotion de sortie EISTI | 1992 |
| Autres formations | — |
| Société, lieu | Propack Data GmbH à Karlsruhe – Allemagne |
| Poste occupé | Chef de projet |
| Domaine | SSII |

enfin

| Identité | Raphaël Douin |
| Promotion de sortie EISTI | 2001 |
| Autres formations | — |
| Société, lieu | ACG GmbH à Francfort – Allemagne |
| Poste occupé | Consultant |
| Domaine | E-business pour les banques et assurances |

Place aux témoignages :

2πr – Qu’est-ce qui vous a conduit au pays de Goethe ?

Diane Tea (D.T): L’opportunité du poste que j’occupe actuellement m’a conduit à venir en Allemagne.

Jean-Yves Boraud (JY.B) : Pour être honnête, c’est ma femme qui m’a conduit en Allemagne… puisqu’elle est allemande.

Raphaël Douin (R.D) : C’est l’amour de la langue et de la culture qui m’ont conduit au pays de Goethe ! … Mais également les gens que j’y ai rencontré et avec qui je suis resté en contact.

2πr – Quel poste occupez-vous précisément ?

(D.T) : J’occupe le poste de Global Program Manager WAN. Pour éclairer un peu cette dénomination, je suis :
– responsable de la définition des stratégies de notre réseau global (architecture, design, sélection des fournisseurs Télécoms, technologies etc…),
– de superviser les équipes Opérationelles Américaine, Européenne et Asie-pacifique afin qu’elles se conforment aux stratégies globales définies et les implémentent correctement,
– je suis également responsable du « Vendor Management » c’est-à-dire de la relation et de la communication (ou plutot gestion) avec les forunisseurs Télécoms, de la négociation des contrats, du SLA (Service Level Agreement) et des pricings.

(JY.B) : J’occupe le poste d Chef de projet. Propack-Data est spécialisée dans le domaine pharmaceutique, et entre autres dans les MES (Manufacturing Execution System – pour la
production, en l’occurence de médicaments). Le projet dont je m’occupais depuis 2 ans vient de se terminer et les laboratoires Roche-Nicholas (installés
à Gaillard, près de Genève en Suisse) produisent tous leurs produits avec notre système, baptisé PMX, depuis le 12 Novembre !

(R.D) : Je suis consultant officiellement, mais développeur à 80 % en réalité.

2πr – La conjoncture économique est plutôt morose en Allemagne : faillites des fers de lance du bâtiment comme Holzmann, ralentissement des banques, hausse
du chômage. Qu’en est-il du marché pour les ingénieurs et quels sont les secteurs porteurs ?

(D.T) : Il est vrai qu’il y a un ralentissement général des entreprises et donc des embauches. De plus, contrairement à la situation en 2000, l’Allemagne n’est plus à l’heure actuelle en aussi « grand manque » d’Ingénieurs IT.

Toutefois, en explorant le marché du travail ici, j’ai noté que le secteur encore demandeur de « têtes » était celui du Supply Chain Management. La demande est encore assez forte si on la compare aux autres secteurs (réseaux, développement etc…).

(JY.B) : Je ne suis pas d’assez près l’actualité économique pour pouvoir répondre de manière objective.

Toutefois à notre niveau, nous travaillons dans un cadre plutôt international et l’activité dépend beaucoup de la conjoncture pour les laboratoires
pharmaceutiques, même si nous avons aussi quelques clients dans le domaine de l’agro-alimentaire.

Le ralentissement économique en Allemagne, je le ressens un peu autour de moi, mais il me semble qu’un ingénieur-informatique a toujours de très bonnes cartes en main…

(R.D) : Le marché est plutôt très calme. Les SSII allemandes, comme leurs homologues
françaises, se sont « épurées« . C’est un processus logique après une periode
« de vaches grasses » non controlée ! Cela va faire du bien aux entreprises,
quoi qu’il advienne. En fait, elles ont épargné là où elles le pouvaient et elles
cherchent maintenant la compétitivité !

Pour aller plus loin dans l’analyse, le problème est que l’Allemagne est directement liée aux USA, et avec la crise américaine et les menaces de guerre, on connait l’histoire c’est partout pareil. Ce qui vient empêcher par contre le redressement que tous les autres
pays connaissent un peu, c’est la réelection sur des promesses très difficiles à tenir de
Gerhard Schröder (ndlr : le Chancelier allemand), ce qui a entrainé une baisse du moral des investisseurs : le moral des chefs d’entreprises a encore baissé ce mois-ci en Allemagne et on ne voit pas trop de lumière à l’horizon…

Pour ce qui est des secteurs porteurs, je pense que ce seront ceux d’hier,
des que le marché aura retrouvé son moral et seules les entreprises assainies
et restructurées pour l’avenir s’en sortiront !
La question reste « quand ? ».

2πr – S’expatrier n’est jamais chose aisée, comment avez-vous vécu cette entreprise en Allemagne ?

(D.T) : Honnêtement, très bien. J’ai vécu et travaillé pendant presque 2 ans en Angleterre pres d’Oxford avant de venir en Allemagne, et… toute ma vie n’a été que changement de pays et déménagements… alors s’expatrier ici ne m’a pas paru problématique.

(JY.B) : J’ai vécu plutôt bien mon expatriation en Allemagne. Il faut dire que j’avais déjà passé 16 mois en Angleterre et j’ai toujours aimé voyager, découvrir d’autres lieux…

Au début, nous habitions Brême, dans le nord, ce qui présentait beaucoup plus de changements: la mentalité est très différente et l’été y est vraiment trop court. Venir ensuite à Karlsruhe, dans le Sud, et à seulement 25km de la frontière française… c’était presque comme revenir en France !

(R.D) : En ce qui me concerne, j’ai préparé mon expatriation 5 ans avant de la vivre réellement : j’ai effectué tous mes stages d’ingénieur aux quatres coins de l’Allemagne et même jusqu’en
Suisse alémanique. C’est pourquoi mon intégration ici fût presque parfaite. Je n’ai eu
aucun soucis majeur !
A la question: « qu’avez-vous tentez et bien préparez dans votre vie et qui a réussi du premier coup ? », je repondrais sans aucun doute : mon expatriation !

2πr – Maîtriser la langue de Goethe en plus de l’anglais est un atout indéniable à l’heure de l’Europe. Formidable tremplin ou découverte ?

(D.T) : Je ne maîtrise malheureusement pas encore la langue de Goethe bien que j’en ai un très bon niveau scolaire. Mon entreprise m’a offert la possibilité d’apprendre l’allemand comme faisant partie de mon package « relocation« .

Je n’ai suivi cependant que 10 ou 12 heures de cours au total et j’ai dû arrêter par manque de temps.
Or comme l’anglais est la langue utilisée au travail, cela ne me force pas vraiment à faire des progrès en allemand… ce que je regrette quelque part, mais qui présente l’avantage de montrer qu’on peut venir travailler en Allemagne sans connaître nécessairement l’allemand !

Toutefois, parler au moins 2 langues européennes en plus de sa langue maternelle reste indéniablement un formidable atout… surtout si l’environnement de travail est international. C’est un « MUST » qui figure sur la plupart des offres d’emplois, ne l’oublions pas !

(JY.B) : L’allemand était ma première langue… un peu rouillée, puisque je n’en ai pas fait en première année à l’EISTI (il n’y avait alors que l’anglais), ni pendant les 4-5 ans qui ont suivi mon diplôme. Mais les bases étaient toujours là : c’est donc revenu vite, une fois l’immersion effectuée.

Je travaille beaucoup avec des Allemands, des Francais, des Suisses et de temps en temps, j’ai à faire à des américains ou des anglais. Il est évident
que le fait d’être à l’aise dans les 3 langues (francais, allemand et anglais) a compté pour beaucoup dans ma carrière professionnelle.

(R.D) : Ça je ne peux le dire dans ce sens là… je ne maîtrise malheureusement pas complètement l’anglais. Je le comprends seulement ! Néanmoins une bonne connaissance de l’italien, du russe et une passion intarissable pour les langues étrangères me permettent pour l’instant d’y pallier.

Dans tous les cas, il est sûr que les langues étrangères sont les clefs pour l’aventure et la decouverte : vivre à l’étranger est la plus belle expérience de ma vie !

2πr – En plus de la langue, qu’apporte une expérience en Allemagne ?

(D.T) : Une expérience en Allemagne apporte une autre culture d’entreprise ; une culture du consensus typiquement allemande, une autre vision d’apprehender les choses… sans oublier bien-sûr la culture de la rigueur allemande à opposer au désordre latin… ;o)

(JY.B) : L’Allemagne vaut à mon avis beaucoup mieux que sa réputation en France, en particulier sur les aspects touristiques (sites à visiter, paysages, météo, etc…). Et j’ajouterais que sa culture dépasse le tryptique bière-saucisse-chapeau bavarois !
Le plus intéressant est sans doute la diversité qui existe entre les différentes régions.

(R.D) : Une expérience à l’étranger apporte une ouverture d’esprit extraordinaire, une joie de vivre et de s’en sortir, de survivre dans un environnement inconnu. On peut y voir toutes les
qualités… mais ne cherchez pas il n’y a pas de défauts !

Plus particulierement pour l’Allemagne, c’est le sentiment européen qui prédomine. Toute personne se disant européenne doit connaitre la culture allemande. L’Allemagne n’est pas très appreciée pour des raisons X ou Y, alors quand on fait l’effort d’aller vers
l’Allemagne, on en est doublement récompensé !

2πr – Le système éducatif d’Outre-Rhin est complètement différent du nôtre avec une élite passant par l’Université. Quelles sont les différences
perceptibles et qu’est-ce qui permet à un Eistien de se faire apprécier ?

(D.T) : En France, le systeme éducatif est plutôt composé d’une élite passant par des Grandes Ecoles comme l’EISTI. Je ne connais pas très bien le programme des Universités allemandes et ne peux donc pas parler des différences.

Cependant d’après ma propre observation, je pense que l’un des atouts majeurs d’un Ingénieur ayant été formé par une Grande Ecole en France, c’est sa capicité d’adaptation aux changements.

C’est un atout que l’EISTI nous a sans nul doute enseigné.

(JY.B) : L’élite passe par l’Université, mais ce fait est à nuancer. D’abord parce qu’il existe aussi de bonnes écoles, les « Fachhochschulen » (ndlr : moins réputée que les Universités, elles dispensent un enseignement moins théorique, mais toutefois reconnu), et surtout parce qu’il me semble que la différence principale entre les 2 systèmes est justement l’absence d’un élitisme aussi marqué qu’il ne l’est en France (ndlr : il n’y a pas de concurence entre les Universités par exemple. Un ingénieur est recherché pour son diplôme et sa personnalité, pas par son Université de formation, même si certaines sont plus réputées dans tel ou tel domaine).

Ce qui permet de se faire apprécier, c’est à mon avis la capacité à appréhender les différents domaines de la gestion de projets: technique, relation client, budgétaire, planification, etc… Autant (sinon plus !) par l’ouverture d’esprit et le bon sens que par le savoir-faire.

(R.D) : D’un point de vue général, je n’apprecie pas le système éducatif allemand. C’est un rejet total de ma part ! Je ferais tout pour que mes enfants aillent ici au lycée français. En effet, le système conduit les élèves à trainer en longueur et il est trop laxiste pour l’éducation que j’ai reçu. De plus, le résultat est le même a peu de chose près si l’on prend des gens à égale envie de reussir ! Au final, on gagne 4 à 5 ans avec le syteme educatif français, qui n’est vraiment pas bon, mais que je trouve néanmoins meilleur que le système allemand à la condition que les parents soient présents et donnent quelques conseils de réussite à leurs enfants. Donc, j’ai gagné ici 4 à 5 ans de salaires et de cotisations retraite !

Un Eistiens, et plus généralement un ingenieur français, sera apprecié pour sa « coolitude » et sa flexibilité ! Après, c’est bien-sûr le caractère de la personne qui fait le reste !

2πr – Merci de nous avoir fait profiter de votre expérience !

Souhaitons bonne chance à celles et ceux qui seraient tentés par une expérience Outre-Rhin…

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