Actualité scientifique

2πr vous emmène faire un tour au coeur de l’Intelligence artificielle et de ses applications.

(Enquête menée par les Automates Intelligents, http://www.automatesintelligents.com)

Piège à lumière, ou les premiers pas vers les ordinateurs quantiques du futur ?
Les ordinateurs quantiques sont un thème en vogue. Ordinateur du futur ou simple pari scientifique ? Pour le moment, bien que les scientifiques s’accordent à lui prêter toutes les qualités en terme de rapidité et de performances, sa réalisation reste quand à elle un véritable casse-tête.

Néanmoins, des percées remarquables viennent d’être réalisées par des chercheurs américains pour bâtir ce qui sera peut-être demain votre outil de travail quotidien :

A l’aide de lasers et d’atomes de sodium ultrafroids, des physiciens américains ont réussi à stopper un faisceau de lumière pendant une milliseconde puis à le restituer à l’identique. Une première mondiale qui ouvre la porte au stockage de données dans les futurs ordinateurs quantiques.

C’est bien connu : pour arrêter la lumière, il suffit d’envoyer les rayons lumineux sur un matériau totalement opaque. Mais en s’y prenant de cette façon, c’est irréversible. La lumière est stoppée, circulez, il n’y a plus rien à voir. Des travaux publiés ce 25 janvier dans la revue Nature (voir référence de l’article en fin de texte) montrent cependant que des chercheurs américains de l’université de Cambridge Massachusetts ont réussi à stopper un faisceau lumineux en lui faisant traverser un nuage d’atomes de sodium ultrafroids, puis à le faire voyager de nouveau sans l’avoir dénaturé.

Quel est le secret d’un tel prodige ?
D’abord, pour mieux s’imprégner du phénomène, voici comment le présente le physicien Eric Cornell dans le même numéro de Nature, à la rubrique « Nouveautés-Point de vue » (voir référence de l’article en fin de texte) :

« Imaginez que vous vous trouviez sur un quai de gare, à attendre le prochain express. En travers des voies, on a tendu un voile, irisé, fin comme de la soie, qui normalement devrait être déchiré lors de l’arrivée du train. A votre plus grande stupéfaction, la locomotive puis l’ensemble du train disparaît dans l’épaisseur si fine du voile. Plus aucun bruit dans la gare. Et puis soudain, de la même façon qu’il avait disparu, le train réapparaît, cette fois de l’autre côté du voile, poursuivant sa route à la même vitesse que celle qu’il avait en arrivant » (…) Il est aussi possible, comme le ferait un magicien en claquant des doigts, de faire réapparaître à intervalle régulier, la locomotive, puis un wagon, puis un autre wagon… »

C’est exactement ce qu’ont fait Lene Haue et son équipe en utilisant un dispositif complexe utilisant lasers, miroirs, tubes, polarisateurs et détecteurs (caméra CCD*).

Le train, c’est le rayon lumineux (une impulsion laser), le voile, un nuage d’atomes de sodium refroidi à un millionième de degré au dessus du zéro absolu**.

Le secret a consisté à éclairer ce nuage avec un laser de couplage : ceci a pour effet d’empêcher les atomes de sodium d’absorber les photons au passage de la lumière (on parle alors d’un « milieu transparent »). En pénétrant dans le nuage d’atomes, les photons sont ralentis, passant d’une vitesse de 300 000 km/s à une vitesse de groupe près de 10 millions de fois inférieure (soit 28 m/s). Le train de lumière, qui s’étirait normalement sur une longueur supérieure à 2 km, se retrouve en quelques microsecondes comprimé dans les quelque 0,2 mm d’épaisseur du nuage. A cette étape, toute l’énergie des photons est transférée aux atomes de sodium qui en ont « imprimé » le motif en leur sein Il ne reste plus qu’à éteindre le laser de couplage, puis à le rallumer : le motif conservé est alors converti en un nouveau faisceau laser, en tout point identique à celui de départ.

Autre curiosité : si l’on éteint et rallume plusieurs fois le laser de couplage, on obtient différentes impulsions du signal régénéré, chacune exprimant une partie du motif mémorisé par les atomes.

Selon les auteurs, la possibilité de contrôler le flux d’information optique prêche en faveur de l’avènement des ordinateurs quantiques. Même si l’on est encore très loin de cette technologie d’avenir, une chose au moins est sûre : on sait désormais qu’il est possible de transporter de l’information à l’aide du laser et de la mémoriser dans des atomes.

* CCD : Charge-Coupled Device
** Le zéro absolu, 0K, se situant à – 273,5° C.

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Sources
Nature du 25 janvier 2001, volume 409
– pages 490 à 493 : « Observation of coherent optical information storage in an atomic medium using halted light pulse », par Chien Liu, Zachary Dutton, Cyrus H. Behroozi & Lene Vestergaard Hau.
– pages 461et 462 : « Stopping light in its tracks », par Eric A. Cornell.

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